Carpophore, sporocarpe, sporophore, fructification… Toutes ces locutions ne désignent qu’une seule et même chose : la partie aérienne des champignons. Comprenez donc le pied et le chapeau des champignons.
Vous savez sans doute que ces deux parties sont les pièces d’un organisme beaucoup plus grand et complexe. En effet, le carpophore n’est que la partie reproductive du champignon, c’est là que se forment les spores qui permettront la reproduction de l’espèce.
Dans cet article, nous allons explorer cet organe plus en détail. Nous verrons d’abord ce qu’est exactement le carpophore et comment il se distingue des autres parties d’un champignon. Ensuite, nous verrons comment il pousse et se développe.
Carpophore ou sporophore, lequel employer ?
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient de faire la lumière sur le vocabulaire à employer parmi la pléthore de termes et expressions disponibles. La locution le plus souvent employée pour qualifier la partie aérienne du champignon est « carpophore ».
Cependant, celle-ci ne fait pas consensus et son utilisation est sujette à caution, la faute à son étymologie. En effet, le mot carpophore signifie « qui porte les fruits », renvoyant ainsi le champignon au temps où celui-ci était inclus dans le règne des plantes. Pour la même raison, on retrouve l’expression « corps fructifère ». Aujourd’hui, d’autres locutions plus appropriés sont apparues.
C’est ainsi que la plupart des mycologues leurs préfèrent le terme sporocarpe (littéralement « fruit à spores ») ou sporophore (« qui porte les spores »).
Afin de s’accorder sur la plus correcte des expressions à employer, le mycologue québécois Roland Labbé a récemment publié un glossaire qui permet de trancher sur la question. Il y reprend tous les mots que nous venons de citer :
- CORPS FRUCTIFÈRE : terme non conseillé, désignant la « fructification » ou le carpophore des champignons.
- CARPOPHORE : synonyme ancien de sporophore, partie aérienne qui produit et disperse les spores.
- SPOROCARPE : terme ancien désignant la “fructification” ou le carpophore d’un champignon.
- SPOROPHORE : appareil portant les spores, issu du mycélium végétatif visible habituellement chez les champignons supérieurs : terme remplaçant ceux d’appareil fructifère, de fructification, carpophore et sporocarpe.
Pour la suite de cet article, nous emploierons donc uniquement le terme “sporophore”.
Schéma simplifié représentant les différentes parties d’un sporophore.
Qu’est ce que le sporophore ?
Le sporophore est la partie la plus apparente d’un champignon, contrairement au mycélium qui se trouve principalement sous terre. Un sporophore “pousse” à partir du mycélium, qui est une sorte de réseau de filaments microscopiques qui se trouve sous terre ou dans un substrat organique. Le mycélium se nourrit en absorbant des nutriments de son environnement, et une fois qu’il a suffisamment grandi et stocké assez de nutriments, il forme le sporophore.
Du fait de leur importante variabilité morphologique, l’identification des champignons n’est pas chose aisée (à part pour l’œil expert de certains). La partie aérienne du champignon peut présenter des formes très simples ou très complexes. Voici certains des caractères que tout bon mycologue utilise pour déterminer l’identité d’un champignon :
- Le chapeau : C’est ce chapeau qui porte les basides (organes de reproduction), les organes qui produisent les spores.
- Il revêt plusieurs formes : convexe, en entonnoir, conique, campanulé ou mamelonné. Avec l’âge, sa forme peut aussi varier.
- plusieurs couleurs : il peut avoir une couleur vive, très voyante, pour prévenir les prédateurs qu’il est vénéneux, comme par exemple les amanites.
- plusieurs aspects très différents : il peut être lisse, avec des écailles ou des plaques…
- La tige : la tige qui supporte le chapeau, peut être courte ou longue, épaisse ou mince, lisse ou velue, et peut être creuse ou solide.
- les lamelles : la plupart des champignons ont des lamelles : ce sont de fines lames qui sont portées sous le chapeau, et qui partent en rayonnant du pied.
- L’anneau : c’est un petit morceau de peau qui entoure le pied, environ à mi-hauteur. Il se forme quand la volve qui protège le chapeau est attaché sur le pied. En se déchirant, il laisse un morceau, en forme d’anneau, qui entoure le pied.
- La volve : structure en forme de coupe ou de sac à la base du pied, formée par les restes du voile général.
- Les spores : minuscules cellules produites sur les lames et servant à la reproduction.
Comment pousse le sporophore ?
Nous l’avons vu, les sporophores sont les appareils reproducteurs des champignons macromycètes (visibles à l’oeil nu). Ces champignons se divisent en deux familles appelées ascomycètes et basidiomycètes.
En leur sein, on retrouve les champignons comestibles (tels que le Shiitake ou les Pleurotes) et les champignons médicinaux (tels que le Reishi, le Cordyceps ou le Champignon du soleil). Ces champignons ont un cycle de vie avec deux parties distinctes :
- La première partie est appelée génération gamétophytique et se compose de filaments mycéliens (qu’on appelle mycélium primaire) qui se rejoignent pour se reproduire.
- Une fois réunis, les cytoplasmes de ces cellules fusionnent pour donner naissance à un mycélium avec deux noyaux, on le nomme alors mycélium secondaire. Cette phase constitue la génération sporophytique.
C’est à la base de ce mycélium secondaire que va se former le sporophore. Celui-ci “sort de terre” lorsque le mycélium a suffisamment grandi et stocké assez de nutriments.
Dans ce sporophore, au niveau des lamelles, les basides ou asques (organes reproducteurs du champignon) portent des cellules qui vont fusionner, produisant des spores appelés basidiospores ou ascospores (le nom dépend du type de champignon).
Ces basidiospores vont à leur tour former le mycélium gamétophytique initiant ainsi le redémarrage d’un cycle.
SUR QUOI REPOSE SA CROISSANCE ?
Les conditions environnementales jouent un rôle crucial dans la décision de former ou non un champignon. Bien qu’il serait appréciable, il n’existe pas de protocole magique conduisant au développement du sporophore chez tous les champignons.
Les conditions de croissance et de production d’une espèce donnée en culture doivent être établies de manière empirique, mais l’environnement naturel du champignon peut fournir des indications précieuses. D’autre part, une fois que la situation a été optimisée pour un certain champignon, cela peut aider à établir les conditions de culture d’espèces apparentées.
Chez Hifas da Terra, expert en Mycothérapie et laboratoire de recherche, nous avons développés des procédés de production sur-mesure pour chacun des champignons que nous commercialisons.
Une étude, publiée en 2022 a repris les paramètres affectant le développement des sporophores :
- La température.
- La concentration en CO2 : des concentrations plus élevées de CO2 peuvent stimuler la croissance mycélienne et inhiber la croissance du sporophore.
- L’humidité : une humidiité élevée (90±95%) est favorable à la formation de sporophore.
- La teneur en eau du substrat
- Saliné du milieu : les basidiomycètes tolèrent des niveaux relativement élevés de sels pour leur croissance, mais le développement des sporophores peut être plus sensible.
- Le pH : la croissance mycélienne est moins sensible au pH, mais le développement du sporophore de plusieurs espèces est optimal à des valeurs de pH neutres ou légèrement acide.
- La lumière : impliquée dans le développement de plusieurs espèces de Coprinus, Pleurotus ostreatus, le pleurote en huître. Cependant, la lumière n’est pas nécessaire pour la fructification de A. bisporus, en atteste la manière dont ils poussaient « sous » Paris).
AUTRES FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE
La composition des sporophores dépend aussi d’une multitude d’autres facteurs :
- du substrat de croissance : Il est évident que les substrats de croissance régissent, dans une certaine mesure, les attributs sensoriels et peut-être aussi les attributs médicinaux des sporophores.
- de la souche choisie,
- de son stade de développement,
- de la communauté microbienne associée, qu’elle soit nuisible ou bénéfique.
- de la qualité du sol : l’accumulation de métaux lourds, y compris de radionucléides, dans le champignon est bien connue.
Dans tous les cas, il est important de se fournir auprès d’acteur de confiance. Une certification biologique permet de se prémunir de la présence d’un certain nombre de polluants.
QU’EST CE QU’ON RETROUVE DANS LE SPOROPHORE ?
Les champignons que nous consommons régulièrement (champignon de paris, shiitake, pleurotes ou bolets) ont une composition nutritionnelle fort intéressante. Étant majoritairement constitués d’eau (80-90 %), ils sont faiblement caloriques et riches en fibres solubles. Les sporophores sont aussi riches en protéines et rivalisent avec leurs cousins végétales. Citons enfin qu’ils sont sources de vitamines & minéraux.
Au-delà de leurs indéniables qualités nutritionnelles, les sporophores contiennent une myriade de molécules bioactives qui en font un formidable outil pour la recherche de nouveaux compléments alimentaires ou médicaments. Parmi les molécules bioactives les plus étudiés, on peut citer les suivantes :
Les bêta-glucanes
Les bêta-glucanes sont des polysaccharides présents dans la paroi cellulaire (chitine) des sporophores. La capacité des bêta-glucanes fongique dans leur soutient immunitaire est largement documenté. À noter que les champignons contiennent spécifiquement des bêta-glucanes de chaînes 1,3 et 1,6. Les autres plantes/céréales contiennent normalement des bêta-glucanes 1,3-1,4, qui ne soutiennent pas le système immunitaire. Pour bénéficier de leurs bienfaits, il est nécessaire de les rechercher sur les étiquettes.
L’une des principales différences entre le mycélium et les sporophores des champignons est que les fructifications contiennent jusqu’à 500 fois plus de bêta-glucanes 1,3 1,6. Les extraits de mycélium ont tendance à être plus pauvres en bêta-glucanes 1,3 1,6, il est donc essentiel de vérifier le nombre de bêta-glucanes 1,3 1,6 dans le produit.
Les triterpénoïdes
Les terpénoïdes ont été signalés comme étant extrêmement polyvalents sur le plan thérapeutique, avec une efficacité contre plusieurs maladies comme les maladies microbiennes, virales, neurodégénératives, ainsi que le cancer et bien d’autres.
L’exploration des champignons à la recherche de terpénoïdes thérapeutiques a connu un essor considérable après 2010, comme en témoignent les fréquents articles scientifiques faisant état de l’isolement de nouveaux terpénoïdes.
Statines
Les sporophores contiennent de la lovastatine, qui appartient à un groupe de composés appelés statines. Les statines sont des composés bénéfiques qui peuvent soutenir les systèmes naturels de gestion du cholestérol de l’organisme dans des limites normales.
Pour plus d’information sur les molécules bioactives des champignons, n’hésitez pas à consulter notre page dédiée.
MYCÉLIUM ET SPOROPHORE : MÊME COMBAT ?
Bien que le sporophore et le mycélium remplissent des fonctions différentes et aient des structures qui le sont tout autant, ils contiennent tous deux des composés précieux qui peuvent être utilisés dans les extraits de champignons. Cependant, là où le sporophore est facilement récoltable, il n’en va pas de même pour le mycélium.
En effet, contrairement au sporophore qui est bien isolé du sol et de son substrat, le mycélium est imbriqué dans la matière végétale dont il tire des nutriments. Lorsqu’ils cultivent des champignons, les producteurs les font souvent pousser sur un substrat de bois ou un substrat composé de riz, d’avoine ou d’autres céréales.
La conséquence directe est qu’à moins de proposer exclusivement du mycélium cultivés en bioréacteurs (en substrat liquide, encore rare sur le marché), le mycélium ne peut être séparé du substrat sur lequel il est cultivé. Par la suite, lorsque le mycélium est utilisé dans un processus d’extraction, une grande partie des composés extraits proviennent du substrat.
La règle d’or à garder en tête lorsque vous vous procurez des compléments alimentaires à base de champignons, c’est de savoir de quoi celui-ci est fait !
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9315710/
- Guillaume Eyssartier, Pierre Roux. « L’indispensable guide du cueilleur de champignons. » Apple Books.
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6760460/